La rentrée de Junes Davis

  • Junes Davis-Cohen

Voyons voir, par où vais-je bien pouvoir commencer ? Le mieux, c’est de tout reprendre depuis le début, comme la première quinzaine de juillet par exemple, où je me trouvais à Paris. Là-bas, j’ai du allier bar-mistva-famille et passion, avec entre autres la rencontre incroyable avec vous, chers lecteurs, en direct live ! Avec cette fameuse séance de dédicace, qui a eu lieu le 6 juillet, dans une vraie librairie ! Après plus de trois heures intenses de signatures, bisous, câlins, et papotages, la boss de la boutique de livres (Madame Emeth) est venue me parler vers la fin, pour m’expliquer qu’à la base, une dédicace, cela ne se déroule pas du tout comme ça.

– C’est à dire ?

– Eh bien, c’est comme dans une bibliothèque, l’ambiance y est studieuse, feutrée. En général, les lecteur sont intimidés par l’auteur, ils osent à peine lui poser des questions, il y a… comment dire… une distance.

– Une quoi Madame Emeth ?

(C’est pour de faux Madame Emeth, vous imaginez bien que ce n’est pas son vrai nom, c’est juste que ça m’évite de demander l’autorisation de la citer, d’attendre son accord, contacter ses avocats, etc. Le « process » est pareil que dans Voici, sauf qu’à la place des images floutées, je change les noms !).

– Disons que d’habitude, il y a l’auteur, la table, et les gens. Tout le monde attend sagement son tour, avec son livre tout contre lui, mais dans votre cas… je n’ai jamais vu ça ! Pendant tout l’après-midi, j’ai vu défiler un nombre incalculable de poussettes, des simples, des doubles, des porte-bébés. Des enfants qui couraient de partout avec des bambas. Il y a eu des mamies, puis des « ma mie », des amies, des selfies, tant de gens que vous avez serrés fort dans vos bras, que j’avais l’impression que vous vous connaissiez tous. On aurait dit que nous étions à Tel-Aviv en plein mois d’août !

– Mais oui, vous avez raison, on se connait tous, dans un sens !

Plus j’observais le visage de Madame Emeth, plus j’en déduisais qu’elle aussi voulait son câlin, y avait pas de raison.

– Allez, venez là que je vous serre !

Au final, je crois qu’elle n’en demandait pas tant, mais pour moi, c’était une forme de remerciement pour m’avoir gentiment invitée chez elle.

Mais attendez, qui vois-je sur le coup de 18h30 à travers la vitre de la librairie ? Ne serait-ce pas mon mari accompagné de nos trois mouflets, venus me chercher car sans maman ils s’ennuyaient !

C’est trop mignon tout ça, sauf que je lui avais demandé de venir vers… 19h30, hein ! C’est pas très grave, j’ai plus qu’à noter dans un coin de ma tête, qu’un de ces quatre, je vais me pointer avec nos kids à mon tour, avec la même excuse. Je traverserai la salle des marchés, je ferai coucou à tous ses collègues, en déboulant droit vers son bureau ! Je suis sûre qu’il appréciera autant que moi ! C’est évident ! Heureusement que ce jour là, il n’y avait aucune place à la contrariété, car de vous avoir rencontrés m’avait rendue totalement shootée au bonheur !

L’heure était venue de quitter la librairie, et j’avais la certitude que pas avant un long moment, je ne revivrais un après-midi pareil. Mais, contre toute attente, il y en a eu un autre dans la même semaine.

Non, pas pendant la semaine des quatre jeudis, mais plutôt du jeudi de la semaine du quatre, nous sommes partis en famille à feujland, euh non pardon, au jardin d’acclimatation! À l’entrée, juste après l’endroit où l’on achète les tickets, jai repéré un banc, et m’y suis assise comme une grosse, et contre toute attente, une charmante dame (coucou Laurence !) s’est présentée à moi pour me dire qu’elle m’avait reconnue :

– Vous avez reconnu qui exactement ?

– Bah toi, Junes Davis !

– Ah mais voui, c’est moi ! Venez là que je vous embrasse ! Et c’est reparti pour le câlin. Il est indéniable de constater que je me suis plus americanisée que je ne voudrais bien me le faire croire ! Mais c’est pas fini ! Tout l’après-midi, des mamans et des grands-mamans m’ont fait des petits clins d’œil et des bises en me disant :

– Salut Junes, trop contente de te rencontrer !

Au bout de la douzième fois, mon mari a grogné dans sa barbe qu’il n’a pas :

– C’est pas bientôt fini, oui !

Mon fils a trouvé ça super cool, et mes poulettes s’éclataient dans les manèges (sauf les miroirs où elles ont trop flippé). Et puis bien sûr, est venu le moment gênant où ton mari sort de son sac à dos d’ado un sandwich thon/mayo/cornichons/ à tomber, miam miam, et pile au moment où tu fermes les yeux pour kiffer ta race, tu prends soin d’étouffer le côté gauche de ton cerveau qui te hurle que c’est pas bon pour ta ligne! Tu as la mayo qui coule sur ton menton, les mains qui puent le thon, mais tu t’en fous… sauf quand une autre maman regarde dans ta direction pile au même instant.

Elle écarquille les yeux, donne un coup de coude à sa copine, fonce droit sur moi et me demande :

– C’est toi, Junes?

Gloups ! Je peux dire non ?

Chaiiii, c’est bien fait, ça joue les stars, eh bien voilà ce qui arrive !

Mince, y a pas de serviettes !

Pour se cacher derrière ?

Non, pour s’essuyer la bouche discrétos-rapidos, parce que je n’ose pas m’approcher, et encore moins la serrer dans mes bras (le thon-la mayo-les cornichons, what else ?). Me voilà à la maintenir à distance avec un pauvre salut de la main. Alors petite maman, si tu lis ces quelques lignes, sache que ma froideur n’était pas volontaire, mais légitime ! Je suis sûre que tu me comprends.

Dès mon retour de (la) France, qui n’a plus rien à voir avec celle de mon enfance, (la circulation qui te rend dingue, les autolibs’, un nombre incalculable de voiles, mais pas que sur les fenêtres !), j’ai pu répondre tranquillou à tous les messages de folie que l’on m’a envoyé concernant mon livre. En faisant l’inventaire comme un apothicaire (je vois pas le rapport, mais c’est pas grave !), il y a une question qui revient sans cesse :

– Comment ta famille a réagi après la lecture de ton roman ? (Ah oui, je surligne le terme roman, car ce n’est pas une autobiographie, même si c’est quelque peu inspiré de ma vie, promis, pas plus!).

Je pense que pour répondre à cette question qui ne brûle pas toutes les lèvres, le mieux c’est que je vous compile toutes les différentes réactions familiales. Commençons avec la « vraie » star de la famille :

Mon père :

– Salut ma fille, ça va ? Au fait, il parait que tu parles de moi dans le livre de ta vie, j’ai pas eu le temps de lire, mais promis je le fais dès que possible !

– Papa, c’est un livre, pas ma vie !

– Oui, enfin ton livre, ta vie, peu importe, note exactement les passages dans lesquels tu me cites, que j’y aille directement, c’est plus simple ! Parce que vu la réaction de ta mère, vaudrait mieux que je lise pas tout. Appelle-la, elle t’expliquera.

– Euh… OK !

Ma grande sœur, une bibliothèque nationale à elle toute seule. Tu lui poses n’importe quelle question sur n’importe quelle œuvre, elle connait forcément. À mon avis, Ilana pourrait facilement se réincarner en BNF. Autant vous dire que l’attente de son avis, c’était un peu comme si je passais mon Bac philo, si je l’avais passé :

– Bon, Junes, je viens de finir ton bouquin. On va pas se mentir sœurette, c’est pas du Victor Hugo, ton truc. Non, non, pleure pas, attends, j’ai pas fini. Si le but était de faire passer un moment sympathique, rigolo, sans prise de tête, tu as les félicitations du jury. C’est ça, mouche-toi… de bonheur ! En tout cas, tu as bien rempli ta mission, alors BRAVO ! Oh my God ! Attends, je viens de réaliser que j’ai dit une énorme boulette littéraire, et à voix haute en plus ! J’ai osé associer Victor Hugo à Junes Davis dans la même phrase. Comment ai-je pu faire une chose pareille ? Je vois d’ici le Hugo dans son costume trois pièces, se prendre la tête pour de bon, avec sa chevelure toute blanche, avachi sur son fauteuil. Comment ça, tu n’allais pas écrire : « La misérable vie de Junes Davis » ! Surtout pas, reste dans le comique, ça vaut mieux, même si vers la fin, j’ai fini par verser ma petite larme ! Je te laisse j’ai peur qu’avec ma bourde, Victor vienne me hanter ce soir. Ah, au fait, avant que j’oublie, appelle maman !

– OK.

Ma petite sœur :

– J’ai pas besoin de lire ton bouquin. De un, je connais l’histoire par cœur, parce que tu as tendance à te répéter, et de deux, mes copines m’en parlent tout le temps. Junes, tu devrais appeler notre mère, apparemment, elle est sous aspirine par ta faute !

Mon petit frère, dit le poussin, dit le Rabbin de Lyon (eh oui, ils sont partout dans ma famille, je ne peux pas faire un pas sans une jupe longue, sinon c’est la guillotine assurée), c’est lui qui l’a lu en premier. C’est encore lui qui est mon webmaster, mon créateur de blog, de site web, je suis un peu son Frankenstein virtuel. Sans lui, rien n’aurait été possible. Il n’est pas rare que le poussin arrache une de ses plumes lorsque je lui pose des questions informatiques qui apparemment le rendent fou :

– Comment ça, tu ne sais pas où remplir l’adresse d’expédition ? Mais enfin, tu vas à expédition, et tu notes l’adresse, et tu coches « expédier ». Comment ça, tu ne sais pas où cocher ? MAIS CLIQUE À DROITE ! Mais y a quoi exactement devant toi ? Tu te moques de moi, t’es en train de décrire ton panier avec toutes tes chaussures sélectionnées. Junes, JE RACCROCHE ! Je dois y aller de toute façon, on m’attend à la syna, mais appelle maman.

– Mais je vais le faire, à la fin, c’est bon oooohh !

Ma cousine :

– Junes, c’est pour quand le tome 2 ? Tu n’en es qu’au chapitre 12. Sur combien ? 25 ? Pfffff… magne-toi please ! On veut la suite, nous ! Je m’en fous que tu travailles de 5h00 à 8h00 du mat’, quand toute la maisonnée fait dodo ! Tu n’as qu’à mettre ton réveil à 4h alors ! C’est pas vrai ça, faut tout lui dire ! Bisous ma puce. Love you. Ah Junes, appelle tata !

– MAIS C’EST QUOI LE PROBLÈME AVEC MA MÈRE À LA FIN ?

– Allô maman ?

Ma mère :

– Ah ma fille, ça tombe bien que tu m’appelles, heureusement que c’est illimité avec whatsapp et tango, parce que j’en ai pour un petit moment avec toi.

Je tremble, depuis mes quinze ans, ma mère n’a PLUS eu de petit moment avec moi !

Tout d’abord, je voulais savoir si tout ce que tu as écrit dans cette vie déjantée est vrai. Non, parce que ma fille, faut que tu saches que je me suis fais violence pour lire ton bouquin jusqu’à la fin. Tu t’imagines bien que pour une femme de rabbin, ce n’est pas exactement le genre de livre que l’on veut que sa fille publie !

Pour couronner notre perte, il paraît que n’importe qui peut le trouver à la Fnac, et sur amazon.fr ! Tu sais que par ta faute, je vais me jeter par la fenêtre. Pardon ? Tu me demandes quoi ? Tu veux savoir si « ton livre » est bien écrit ? Ce n’est pas le propos ! Je te dis que je vais ouvrir les fenêtres du balcon pour sauter dans le vide, et toi, la seule chose qui t’intéresse c’est de savoir si c’est bien écrit ! Heureusement que tu habites très loin ma fille ! Pour la sortie du tome 2, car apparemment il va y avoir une suite, je vais demander à ton père de déménager au Texas. Non, non, non, ça n’a rien à voir avec la morosité ambiante de la France, c’est juste que dans cet État, le port d’arme est autorisé, et vu la honte que tu nous as faite, et que tu vas continuer à nous faire avec l’exode, le mieux c’est de… je m’en fous que ce soit une fiction ! Moi, ta propre mère, je pense que tout est vrai ! Ne nie pas Junes ! J’ai décidé de nous faire revivre le remake de Massada. Genre, il ne restera plus personne de vivant. Comment ça je suis en « over reaction » / sur-réaction, et en plus mademoiselle parle le franglais maintenant !

Bon, je vais me faire un café en attendant notre visa. Sinon les enfants ça va ? Pas trop dur les vacances ?

Eh bien je dirai pour conclure que dans l’ensemble, grâce à D. les petits choux ont eu un bel été. Ils ont eu du centre aéré où il se sont aérés dans le New Jersey cinq semaines !

Il y a eu des grandes amitiés avec deux mamans américaines qui attendaient avec moi à l’arrêt du « school bus ». Nous étions les trois drôles de dames, sauf qu’il n’y a que moi qui essayais d’être drôle.

Sur ce, je vous embrasse mes amis, et comme toujours, je vous posterai une chronique tous les lundis, et de temps en temps, mes vdm, vpa et le reste… merci encore pour vos innombrables encouragements. Love you.

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