Une maman buissonnière
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Après un weekend particulièrement chargé en travaux d’intérêt ménager sans me ménager, moi (merci Pâques/Pessa’h qui avance à grand pas), j’étais bien décidée dès lundi matin, à me faire pour une fois une journée de maman buissonnière.
Le principe de base est le même que pour l’école sauf qu’à l’époque, je pouvais encore m’échapper des cours de français en toute impunité, pour filer au ciné sans me faire pincer. Mais là, je dois la jouer fine, pour avoir le droit d’oublier pour quelques heures mes responsabilités de mam’ et de femme !
Ma décision est prise : je serai l’escargot de New York, la tortue de Manhattan et la larve humaine de mon building !
En général, je me lève tous les matins à six heures tapantes sans rien taper, enfin non ce n'est pas vrai, parfois je tabasse mon réveil.
J’aime bien être au taquet, quand la marmaille se réveille. Mais ce matin, c’est no way ! Au diable la sonnerie stridente de mon téléphone, et vive les réveils en douceur comme la pub du lait Ricoré ! Mais hélas, parfois j’oublie que je ne vis pas seule, Micka Davis himself me réveillera à coup de coussins :
– Hé madame, lèves-toi ! Il est super tard.
– Hello ça va ? On fait une bataille de polochon ?
– Allez, bouge-toi ! Va à la salle de bain, ou nous allons tous être en retard !
Donc, n’ayant pas le choix, je me traîne hors du lit. Je décide de prendre ma douche, et mon temps pour faire ma Céline Dion.
Pour faire « ma Céline Dion » il vous faut :
– Une brosse à dent. Si vous n’en n’avez pas, vous pouvez utiliser comme substitut, une brosse à cheveux. Si vous n’en n’avez pas non plus, il faut vraiment vous reprendre en main !
– Choisir sur youtube ou sur votre playlist une chanson que vous aimez et que vous connaissez par cœur.
– Fermer les yeux.
– Mettre sa brosse comme un micro.
– Imaginer que vous êtes à l’Olympia ou au Casino de Paris et que la salle est noire de monde. Les projecteurs sont braqués sur vous et vous vous époumonez sans le son en faisant la réplique des mimiques de Céline Dion, en pointant le doigt vers la foule.
(La pauvre, j’ai eu trop de peine pour René. Vous pensez qu’elle va se remarier ? Remarque y a pas de raison, après tous les travaux qu’il y a eu, ce serait du gâchis que personne n’en profite ! Mais avec trois gosses, c’est chaud ! ).
Plus vous chantez devant la glace, et plus la foule est en délire. Tout le monde se lève de son siège et vous applaudit comme des fous. La salle est en transe, mais la salle de bain tremble aussi. C’est en réalité Micka qui tape très fort sur la porte de la salle de bain, qui couvre les bruits de la foule, et qui hurle :
– Dépêche-toi de sortir, j’ai des choses à te donner pour la journée.
Et je sors sous la contrainte.
– Ça va, ça va, c’est bon. Si on a même plus le droit de finir sa prestation correctement devant les gens. Ils ont payé leur place quand même !
– Tu sais Junes, parfois, je te jure, tu me fais peur. Bon, il faut absolument mettre mes chemises au pressing et j’ai besoin que tu postes ce courrier ce matin, c’est très urgent ! Junes, tu m’écoutes ?
– Mais oui, je t’écoute. (en fait, non, pas du tout, je pense à toutes les choses que je ne vais pas faire aujourd’hui, et rien qu’à la perspective d’être fainéante, ça me rend toute contente).
– Bon j’y vais, et n’oublie pas mes chemises et la poste ! OK ?
– Mais oui, OK. Détends-toi.
Pour pouvoir planifier ma journée en toute sérénité, sur le chemin de l’école, je demande 200 fois à chacun de mes enfants si ils vont bien :
– Vous n’êtes pas malades grâce à D. ? Pas de fièvre ? Pas de toux ? Pas de bobos ?
– Maintenant que tu m’y fais penser, je crois que je commence à avoir mal au ventre.
Oh boy ! Qu’est-ce qui m’a pris de poser la question à mon fils! Il faut savoir que celui-là peut viser une carrière internationale de futur hypocondriaque/mytho aigü. Il pourrait donner des conférences à travers le monde, avec pour intitulé :
« Comment simuler un mal de tête ? Comment faire tourner sa mère et l’infirmière de l’école en bourrique ? Les 456 façons de rater l’école avec une fausse fièvre. » Par Ethan Davis, expert en comédie. N’hésitez pas à réserver. Places limitées.
Donc une fois que j’ai validé que tout le monde est à son poste, ma journée buissonnière peut enfin commencer.
Première chose : rentrer chez soi, s’affaler sur le canapé, et mettre les pieds en éventail (cette expression est ridicule, non mais c’est vrai, personne n’utilise ses pieds pour faire du vent !).
Je regarde de loin la pile de chemises et l’enveloppe qui me fixent, avec une très légère pointe de culpabilité, mais après 3 secondes, je vais dans la cuisine pour réunir mes amis sur un plateau, qui vont m’accompagner pour ces quelques heures de folie : pop-corn, bols de céréales, Nutella, cuillère (indispensable, la cuillère !) tout ce que je trouve au dessus de 349 calories est dans mon panier, allez hop, aujourd’hui c’est festival, les portes ouvertes du kif.
Juste avant de m’installer devant mon ordi pour regarder mes séries, je mets mon phone sur silencieux, mais ma copine Liliane m’appelle au même moment. En entendant son « allô », je lui dis que je l’entends en écho.
– T’es où là ? Aux toilettes ? (Je supporte pas quand les gens m’appellent depuis leur salle de bain, j’ai l’impression d’être trop proche d’eux, mais pas de la bonne manière).
– Mais arrête, c’est pas parce que je l’ai fait une fois avec toi que ça y est, cela devient une habitude. Je suis dans le lobby de chez moi. J’ai pris la nounou 1 heure ce matin, pour aller chez le docteur, mais comme je reviens quinze minutes avant l’horaire prévu, je traine en bas. Je gratte du temps avant de monter, car je sais ce qui m’attend avec les petits là-haut…
– Mais c’est génial, toi aussi tu fais ta maman buissonnière ?
– Carrément ma Junes.
– Ça te dit de venir boire un thé ?
– Faut voir, mais tu n’as pas un truc plus fort ? Je vois avec la nounou si elle peut rester, et si c’est ok, j’arrive dans dix minutes. Je te laisse, il y a mon mari qui m’appelle.
(Règle numéro 78 du chalom bayit : toujours répondre à son mari lorsqu’il appelle. On base toutes les communications externes pour ne répondre qu’a l’élu de son cœur. Même si c’est René Angélil qui t’appelle du paradis. Perso, je n’ai jamais voulu savoir ce qui se passe en haut, tellement j’ai pas fini d’apprendre ce qu’il se passe en bas !)
Je me remets sur mon canapé comme un animal séché, et me dis que c’est cool si ma copine arrive, même si la maison est en folie, mais deux secondes plus tard, j’ai mon amie Barbara qui m’envoie un texto :
J’ai besoin de ton avis : pour montrer à mon mari que j’en ai marre d’être la seule à changer les couches de notre fils, j’ai décidé de repousser le moment, jusqu’à ce que l’odeur de la couche soit repoussante, pour lui montrer mon mécontentement. Qu’est ce t’en penses ?
– Tu veux venir boire un verre à la maison? Il y aura Liliane aussi, mais steuplait, tu changes ton fils avant, pour la bonne marche de mon établissement, d’accord ?
– OK, j’arrive.
Je passerai le reste de la journée avec mes copines en train de rire et de blablater sur le problème de Barbara, jusqu’à l’heure d’aller chercher les enfants. Ils seront super étonnés de retrouver la maison exactement comme ils l’avaient laissée le matin même mais à la différence qu’il y des tonnes de verres « de jus de pomme » qui sont posés sur la table. (En fait c’était du whisky, mais je voulais pas balancer les copines, et surtout j’ai balancé les fonds de verre).
Pour finir en beauté cette journée off, je commande chinois rien que pour avoir les mêmes boîtes que l’on voit dans les films américains quand il y a quelqu’un qui travaille tard dans les bureaux.
Le soir venu, après avoir couché les petits, et rangé vite fait la maison pour l’accueil de mon homme, Micka me demande comme phrase automatique :
– Salut, ça va ? Tu as eu le temps de faire ce que je t’ai demandé aujourd’hui ? En regardant les chemises toujours à la même place.
Aïe, je suis fichue, je vais devoir trouver un mytho, et vite, parce qu’en général, je fais deux cent mille choses à la fois, mais mon mari trouve toujours le moyen de pointer le doigt sur la moindre petite mission que je n’ai pas eu le temps de faire. Accompagnée de cette même phrase qui revient comme un boomerang dans tous les foyers :
– Mais enfin, je te demande juste une chose, UNE CHOSE, et toi tu n’es même pas capable de le faire. Je fais tout dans cette maison, TOUT!!!
Et il aurait raison au moins pour cette journée. Je décide de jouer la carte de l’honnêteté.
– Vois-tu mon cher, aujourd’hui, contrairement aux autres jours, je n’ai rien fait, absolument rien. Il y a des jours où une maman, et accessoirement un être humain, a besoin de se reposer. Le seul vrai moment de repos dont je dispose, c’est lorsque les enfants sont à l’école.
– Mais enfin, on va aller en vacances pour Pessar. (Je ne supporte pas quand il dit Pessar avec le « R » à la fin, j’ai envie de hurler Pessahhhhhhh avec le « HE » tous les franco-israelos seront d’accord avec moi !)
– Ah non ! Moi je te parle de vraies vacances, et non être le chameau de la famille, et faire croire que c’est que du bonheur d’être l’esclave 24h/24h. Donc non, je n’ai rien fait ! Tu as le droit de t’énerver. Je te donne même une carte cadeau de quinze minutes de vacheries et de fâcheries, lâche toi, c’est pour moi !
– Eh bien tu as bien fait !
– Comment ?
– Il n’ y a pas de problème. Ça arrive parfois, en plus, pour la poste, c’était pas si urgent. Et pour les chemises, au lieu de les mettre au pressing, tu m’en repasses une pour demain, d’accord? Et merci de m’avoir commandé à manger.
Je peux pas le croire, pas possible, comme quoi dans la vie, même les petits miracles existent.
Alors je déclare officiellement un jour buissonnier par mois pour toutes les mamans, (et les autres) où on lâche la pression. Rien que de la détente, du farniente, du repos, sans courir comme des folles pour mieux repartir dans sa vie. Ce jour là, il faudra rire, sourire, chanter et mettre tous ses soucis de côté rien que pour l’amour de la vie.
Je vous souhaite une très bonne semaine et vous retrouve mercredi pour une chronique collector!
PS : la légende thoraïque dit que le 1er jour de chaque mois ( rosh hodech) est le jour dédié à la femme. Alors pourquoi ne pas déclarer cette date comme point de chute mes amis ?
PS2:
Chère Madame Davis,
J’ai un enfant en bas âge qui ne va pas à l’école. Je n’ai pas de nounou ni de famille à côté, on fait comment pour s’échapper ?
Eh bien c’est très simple, soit on l’envoie par fedex à tata Davis qui se fera un plaisir de le garder soit on confie le kid à son époux/fiancé/mari/concubain ( rayer la mention inutile) le temps d'une soirée pour décompresser sans se presser.
Avec toutes mes amitiés